La soie de Valenciennes (Belgique) : actions, 1928. ANMT 2004 41 58

Un nouvel âge d’or pour le textile « fabriqué en France » ?

2022 - Textiles du monde

En 2022, les Archives nationales du monde du travail rejoignent la programmation de la ville de Roubaix autour de la thématique « Textiles du monde ».
Si l’industrie textile a laissé son empreinte sur ses grandes cités françaises, elle a aussi marqué la vie de ses travailleurs et travailleuses, fait prospérer des dynasties familiales ou encore permis l’émergence de marques de vêtements restées célèbres.
Chaque mois, les ANMT vous proposent un voyage dans le temps et dans l’univers textile, pour mieux comprendre nos mondes d’aujourd’hui !

 

Festival de l'élégance et des textiles dans le cadre du salon des artistes français au Grand Palais, du 5 au 18 juin 1958.

 

Après avoir connu un âge d’or (milieu XIXe-début XXe s.), l’industrie textile française se maintient durant l’entre-deux-guerres puis connait d’importantes restructurations après la Seconde Guerre mondiale. Avec l’internationalisation de la production, elle s’est enfoncée dans une funeste crise dans les années 70, qui s’est accélérée à partir des années 90. Une délocalisation massive de la production s’organise, avec de graves conséquences sur l’emploi : entre 1986 et 2004, le secteur textile a perdu deux tiers de ses effectifs.

 

Les régions historiques de production

Historiquement, on dénombre trois grandes régions de production textile en France : les Vosges, le Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.

Rhône-Alpes reste la première région française du textile. Durement frappée par la crise, elle a perdu 50% de ses effectifs entre 1993 et 2008. Traditionnellement tournée vers le tissage de la soie, elle est devenue le leader français des textiles techniques et industriels, dont elle réalise 70% du chiffre d’affaires national.

Textiles à usage technique, késako ?

Les textiles à usage technique sont le fruit d’innovations variées portant sur les matériaux, les procédés de fabrication et les produits eux-mêmes. Appelé également textile innovant, un textile technique est défini comme un matériau textile dont les performances répondent avant tout à un besoin de l’utilisateur : résistance aux chocs, aux produits chimiques, au feu, perméabilité ou imperméabilité, isolation thermique... L’aspect esthétique ou décoratif devient secondaire sans toutefois disparaître.

Par ailleurs, le Nord-Pas-de-Calais s’est développé dans l’industrie lainière, la filature du coton et du lin. La majorité des entreprises a fermé et le secteur s’est lui aussi réinventé avec les textiles techniques. Dès 1995, l’État et la Région ont mis en place une mission régionale des textiles techniques.

Manufacture française des tapis et couvertures (MFTC) : trieuses de laine, sans date.

 

Enfin, les Vosges qui comptaient 30 000 salariés dans les années 70, en dénombrent 2 500 aujourd’hui. Les ateliers de confection textile y sont majoritaires et les entreprises misent sur le savoir-faire et la recherche par les consommateurs de produits écologiques : lin et coton bio. Des efforts importants ont été entrepris en recherche et développement pour promouvoir le tissage de fibres naturelles (chanvre, ortie), permettant la relocalisation partielle de certaines productions (chaussettes et linge de maison).

La soie de Valenciennes (Belgique) : actions, 1928.

 

La consommation française

Quant à la consommation, les chiffres sont vertigineux : le budget moyen des Français consacré à l'habillement est évalué à 668 € par an. Selon les informations collectées par Fashion United , la population française consacre environ 39 milliards d'euros à l'achat de vêtements, que ce soit en magasin, en ligne, en ventes privées… De manière générale, les consommateurs français dépensent près de 64 milliards d'euros sur le marché de la mode. Ce dernier est donc le deuxième plus grand marché de consommation, derrière l'alimentation et devant les véhicules.

Grands magasins de nouveautés « Au cardinal Fesch » : entête de facture, 1889.

 

Dans cette propension à toujours consommer plus, le « Fabriqué en France » semble susciter un intérêt grandissant. Plusieurs sondages ont montré la sensibilité des Français à la question de l’origine de leurs achats. Selon un sondage IFOP d’août 2018, 74 % de Français se déclarent prêts à payer plus cher pour acheter français. À ceci s’ajoute une prise de conscience par les consommateurs : importance sociale de leurs achats, primauté de l’écologie (le secteur textile est le second plus polluant au monde), développement de la mode éthique, nécessité de repenser la gestion des stocks…

Ainsi, pour la première fois depuis 40 ans, en 2017, l’Union des Industries Textiles relève une augmentation des effectifs de 3,6% (2000 emplois).

 

Vers un nouvel âge d’or ?

L’industrie textile est-elle en train de vivre un nouvel âge d’or ? Selon le rapport d’activité 2020-2021 de l’Union des Industries Textiles , l'industrie française du textile et de l'habillement représente un chiffre d'affaires de 13,3 milliards d'euros, soit une croissance de 1,8 % par rapport aux années précédentes. Les textiles techniques représentent à eux seuls 7,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La croissance est observée dans douze régions, dont cinq principales : Hauts-de-France, Grand Est, Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie. Ce regain d'activité est dû au fait que certaines entreprises ont commencé à diversifier leur production avec la fabrication de textiles techniques et médicaux, ainsi que l'utilisation de nouveaux matériaux tels que les tissus biosourcés.

Textiles biosourcés : une définition


Les matériaux biosourcés sont entièrement ou partiellement dérivés de la biomasse, c’est-à-dire des plantes, des arbres ou des animaux. Cette biomasse peut avoir subi un traitement physique, chimique ou biologique (à l’exclusion d’un traitement reposant sur l’emploi de ressources fossiles). En Europe et aux États-Unis d’Amérique, le terme « biosourcé » correspond aux matériaux considérés comme des alternatives aux produits issus de la pétrochimie.
D’après cette définition, les matériaux biosourcés comprennent donc les fibres naturelles, les fibres cellulosiques artificielles, les polymères naturels (chitine, caséine, kératine), les cuirs d’animaux ainsi que leurs alternatives.
Avec une part de 8 %  dans les émissions carbonées mondiales, l’industrie textile a un impact réel sur le changement climatique. Le biosourcing (produire des tissus à partir de végétaux) est l’une des solutions pour diminuer cet impact.

La France se situe ainsi à la seconde place européenne des producteurs de textiles techniques juste après l'Allemagne, mais devant des pays à forte tradition textile tels que l'Italie et le Royaume-Uni. Ces textiles constituent aujourd'hui près de 27% de la production totale en France et occupent aussi une place importante sur le marché mondial.

Quant au secteur de la mode et du luxe, la France reste le premier acteur mondial : 25% des ventes mondiales sont réalisées par des entreprises françaises et en France, 7,7% des entreprises industrielles sont dans le secteur de la mode et du luxe.

Exposition internationale du nord de la France à Roubaix : porte monumentale du grand palais des industries textiles, 1911.

 

C’est dans ce contexte que le label « France terre textile » fédère les grandes régions textiles que sont l’Alsace, le Nord, Auvergne-Rhône-Alpes et les Vosges autour des savoir-faire et de l’excellence. Nord terre textile a ainsi pour objectif de garantir au consommateur qu’au minimum 75% des étapes de fabrication d’un article textile sont réalisées localement avec la possibilité de sous-traiter au maximum 25% des opérations dans une entreprise agréée d’une autre aire géographique de référence (Vosges, Alsace, Auvergne-Rhône-Alpes). Il propose également une charte de bonnes pratiques. Ce label de filière veut aussi valoriser les savoir-faire acquis par les entreprises de la région Hauts-de-France.

 

Le renouveau du textile dans la région, reportage de France 3 Hauts-de-France, 18 juin 2018 :

 

Il en est de même pour la Textile Valley dont l’objectif est de réunir tous les acteurs de la filière textile-habillement dans les Hauts-de-France, en y associant les centres techniques et de recherche, pôles de compétitivité, laboratoires de recherche, institutions, musées, écoles, universités, centres de formation, incubateurs et accélérateurs, et enfin les investisseurs ; permettant ainsi d’amplifier et d’accélérer le phénomène de réindustrialisation en cours dans les Hauts-de-France comme le souligne Olivier Ducatillion, président de l’Union des industries textiles et habillement Nord : « En lançant la "Textile Valley", nous voulons unir les forces et les talents de la filière textile (…) Nous avons un véritable potentiel de réindustrialisation, de relocalisation d’une partie de notre production, de création d’emplois et de restauration de nos savoir-faire historiques ! »

 

L’exemple de l’entreprise Safilin :

 

Le textile français se réinvente…

L’aventure textile française ne semble donc pas terminée ! Une spécialisation dans des activités à forte valeur ajoutée (textile haut de gamme pour le marché du luxe et textiles à usages techniques) associée à une production plus « vertueuse » (biosourcing), garantie par des labels, s’organise sur le territoire en tenant compte de l’évolution de la demande des consommateurs (mode éthique, achats « fabriqué en France » …).

Chiffres clés 2021 de l’industrie textile en France
2150 entreprises
62 500 emplois
13,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 10,5 milliards d’euros à l’exportation

 

… avec les artistes

Les créateurs du studio About a worker, lauréats du programme Mondes nouveaux du ministère de la Culture, sont à la recherche d’un nouveau système de création et de production valorisant les ouvriers du secteur textile. Imaginant une alternative juste et applicable à l’échelle locale, le projet s’articule autour de rencontres d’historiens, de sociologues et d’anthropologues qui interrogent les origines du système, ainsi que d’interviews d’acteurs français du secteur autour de la question souveraine de relocalisation. Des ateliers créatifs permettent aussi de concevoir et produire une collection collective et partagée de vêtements. Projet en plusieurs étapes dont la première s’est tenue dans les Hauts-de-France, à Roubaix, aux Archives nationales du monde du travail avec une usine créative baptisée "Made by locals (?)" (5 novembre - 17 décembre 2022).

Inauguration de l'exposition "Made by locals (?)" aux Archives nationales du monde du travail, 2022.

 

 

La collection des pièces isolées est classée par typologies : pièces isolées sur supports papiers, iconographiques ou encore audiovisuels.

La collection de titres boursiers réunie par Mondine Fabrer ressemble environ 800 titres des XIXe et XXe siècle.

Les archives de la manufacture française de tapis et de couverture (MFTC) documentent les activités de l'entreprise entre 1920 et 1978.

 

Bibliographies et ressources

"Étude sur les textiles techniques", Direction générale des entreprises, https://www.entreprises.gouv.fr, sans date. Consultable en ligne.

"Les biomatériaux", https://textileaddict.me, 2021. Consultable en ligne.

"Les chiffres clés du marché de la mode en France", https://solutions.lesechos.fr, 2019. Consultable en ligne.

"Mode et luxe", https://www.provigis.com, 2020. Consultable en ligne.

Rapport d'activité 2020-2021 de l'Union des Industries Textiles. Consultable en ligne.

"Textiles biosourcés : en finir avec la dépendance au pétrole", https://www.geo.fr, 2020. Consultable en ligne.

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