Tout au long des XIXe et XXe siècles, l'exploitation intensive du charbon requiert l'emploi d'une quantité très importante d'hommes, de femmes mais également d'enfants.
Si l'emploi de la main-d’œuvre juvénile existe depuis toujours, les conditions de travail des enfants évoluent tout au long du XIXe siècle. Elles demeurent particulièrement difficiles : cadences, dureté des tâches et faible salaire.
On trouve des enfants mineurs aussi bien "au jour" (en surface) pour trier le charbon, qu'au fond de la mine pour entretenir les "bowettes" (galeries), être portes-feu ou pousseurs de berlines. Le travail est rude et dangereux.
Jeune garçon poussant une berline dans une galerie souterraine : photographie, 1945. ANMT, Photothèque Charbonnages de France, 2007 8 14592.
Dans les mines du nord de la France, les enfants mineurs sont appelés des "galibots". C'est une déformation du mot "galer" qui signifie "s'amuser" en ancien français.
Employés dès l'âge de 8 ans, les galibots travaillent 10 à 12 heures par jour.
En grandissant, ils peuvent espérer devenir meneurs de chevaux. Puis, dès que leurs forces physiques le permettent, ils sont dirigés vers les chantiers d’abattage ou de creusement.
Dans ce témoignage vidéo de 1981, un mineur évoque ses souvenirs de galibot dans les mines du Pas-de-Calais dans les années 1920.
Portrait d'un galibot : photographie, [1937-1945]. ANMT, Photothèque Charbonnages de France, 2007 8 4054.
Dans les premiers temps de l'extraction minière en France les filles partagent le sort des garçons : elles descendent au fond de la mine dès l'âge de 8 ans. Elles y travaillent en tant que traineuses ou herscheuses.
Mais très vite, en France comme en Belgique ou en Grande-Bretagne, l'emploi des jeunes filles et des femmes au fond de la mine est jugé immoral et dangereux par l'opinion publique. En effet, en raison de la chaleur, les mineurs de fond travaillent généralement torses nus.
Ouvrières des mines en habits de travail : carte postale, 1937. ANMT 2007 62 40, Charbonnages de France (service communication).
En France, une loi de 1874 vient définitivement interdire aux filles de descendre au fond de la mine. Elles vont donc travailler "au jour" avec leurs mères : on les retrouve à la lampisterie, au triage ou encore au criblage.
Au triage, pendant 10 à 12 heures par jour, les femmes et les jeunes filles sont chargées de séparer le charbon des déchets (pierres, bois). Un travail difficile et extrêmement poussiéreux qui les oblige à porter un grand foulard sur la tête afin de protéger leurs yeux et leurs nez des impuretés. Dans le nord de la France, cette coiffe leur vaut le surnom de cafus ou mahut. Dans le bassin stéphanois, ce sont "les clapeuses".
Trieuses de charbon : photographie, 1948 (Valenciennes, Nord). ANMT 2007 8 4172, Charbonnages de France (service communication).
Le métier féminin de la mine le plus emblématique est probablement celui de lampiste.
Encadrées par le chef de la lampisterie, les jeunes filles distribuent aux mineurs de fond un outil indispensable : la lampe. Elles ont également pour mission de récupérer les lampes lors de la remontée. Chaque lampe est rangée dans un emplacement numéroté : s'il en manque une, cela signifie que son possesseur n'est pas remonté et doit peut-être être secouru.
Les lampistes se chargent également de l'entretien des lampes ce qui suppose une excellente connaissance du matériel, les lampes de mineurs étant composées de plus de cent pièces différentes.
Le chanteur Edmond Tanière a célébré les "tiotes lampistes" dans sa chanson (en patois picard) :
Lampistes à Courrières, 1945. ANMT 2007 8 14634, Charbonnages de France (service communication).
Blanche Flinois est née le 11 octobre 1896 à Dechy (Nord).
En 1920, à l'âge de 13 ans, elle entre au sein de la Compagnie des mines d'Aniche comme trieuse. À cette occasion, elle subit une visite médicale où son aptitude au travail est établie. Le dossier individuel de Blanche Flinois donne peu de détail sur sa carrière mais nous permet de découvrir son visage grâce à une photographie prise par son employeur.
Éléments du dossier individuel de la trieuse Blanche Flinois, 1920. ANMT 1994 8 2122, Compagnie des mines d'Aniche.
Au XIXe siècle, la révolution industrielle se double d'une révolution sociétale. Le recours à la main-d’œuvre juvénile éveille les consciences : on le dénonce ainsi que ses conséquences sur la santé et la moralité des enfants.
Des enquêtes sont menées sur les conditions de travail des enfants dans les ateliers, les usines mais également dans les mines. Elles montrent la pénibilité du travail effectué par les jeunes mains et les impacts sanitaires et moraux sur la jeunesse.
Examen médical des galibots : statistiques, 1943. ANMT 1994 56 102, Compagnie des mines de Courrières.
En France, des mesures sont prises tout au long des XIXe et XXe siècles :
Finalement, le 20 novembre 1989, les Nations unies adoptent la Convention internationale des droits de l'enfant. Son article 32 reconnaît "le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social".
Détail d'une affiche du règlement sur le travail des enfants employés dans les travaux souterrains des mines, minières et carrières, 1892. ANMT 1994 26 91, Compagnie des mines de Béthune.
Parallèlement à la législation sur le travail des enfants, les gouvernements de la IIIe République démocratisent l'instruction : la loi Guizot (28 juin 1833) crée les écoles primaires publiques et les lois Ferry (16 juin 1881 et 28 mars 1882) rendent l'instruction gratuite et obligatoire pour les garçons comme pour les filles de 6 ans jusqu'à 13 ans.
Du fait de ces obligations légales mais aussi dans une démarche paternaliste, les compagnies minières construisent des écoles pour garçons et pour filles. Les enfants de mineurs y apprennent à lire, écrire et compter.
Salle de classe : photographie, première moité du XXe siècle. ANMT 2007 62 40, Charbonnages de France (service communication).
Au XXe siècle, les enfants de mineurs qui ont obtenu leur certificat d'études primaires sont envoyés en centre de formation pour préparer un certificat d'aptitude professionnelle (CAP).
Les filles suivent des cours d'arts ménagers tandis que les garçons apprennent le métier de mineur, avec un mélange de théorie et de pratique. Ce système va perdurer jusque dans les années 1980.
Dans de rares cas, certains enfants de mineurs accèdent aux études supérieures.
Centre de formation pour jeunes filles : photographie, sans date. ANMT 2007 62 77, Charbonnages de France (service communication).
Dès l'âge de 14 ans, les centres de formation de Charbonnages de France apprennent aux adolescents le travail de la mine et les règles élémentaires de sécurité.
Il s'agit d'une formation en alternance : les élèves fréquentent le centre pendant trois mois et travaillent le reste du temps dans des « quartiers-écoles » au fond de la mine.
Ce reportage de 1960 au centre de formation professionnelle du groupe de Lens-Liévin (Pas-de-Calais) nous fait découvrir le parcours d'un jeune préparant son CAP de mineur. Cours de calcul, pratiques, théories, sport et secourisme sont au programme.
Centre de formation pour jeunes garçons en Lorraine : détails d'une planche-contact (à gauche : chantier-école et à droite : atelier technique), 1948. ANMT, Photothèque Charbonnages de France, 2007 8 4075.
Dès les années 1830, les compagnies minières construisent des logements pour les mineurs et leur famille. Ce sont les "corons" : de longues enfilades de 60 à 80 maisons accolées les unes aux autres. Le terme coron est à l'origine un mot wallon signifiant quartier ouvrier. Il est aujourd'hui passé dans le langage commun pour désigner les cités minières.
Symbole de paternalisme, les corons voient grandir plusieurs générations d'enfants qui y jouent et dont la vie est rythmée par la mine.
Une famille de mineur prenant son repas, 1950. ANMT 2007 62 40, Charbonnage de France (service communication).
Vers la fin du XIXe siècle, les corons sont remplacés par des cités-jardins aux logements mieux équipés. Les compagnies minières y font construire des hôpitaux, économats, maternités mais aussi des théâtres, cinémas ou salles des fêtes. Toute la vie de la famille y est ainsi encadrée et les limites géographiques de la cité ne sont que rarement franchies.
Ce reportage de 1985 nous fait découvrir l'intérieur d'une maison de mineur à Denain (Nord).
Enfant au bain: photographie, 1952. ANMT, Photothèque Charbonnages de France, 2007 8 14816.
Le sport est pratiqué depuis longtemps chez les mineurs et encouragé par les compagnies qui les emploient. Dans les cités minières, elles construisent et animent des équipements sportifs pour les enfants, comme les piscines où ils apprennent à nager.
Enfants apprenant à nager à la piscine de l'école de Reumaux (Moselle): photographie, 1930-1940. ANMT 2007 8 14802, Charbonnages de France (services centraux).
Les compagnies minières voient le sport comme une activité saine, garantissant des travailleurs en bonne santé. Dans leurs centres de formation professionnelle, les futurs mineurs consacrent jusqu'à 4 heures par semaine aux activités sportives.
Les exercices physiques s'effectuent dans des salles de gymnastique ou sur des plateaux d'hébertisme qui permettent de pratiquer échauffements, courses, parcours d'obstacles, campements, etc.
Adolescents pratiquant des activités sportives pendant leurs formation : photographie, mines de Oignies (Pas-de-Calais), 1946. ANMT 2007 8 14660, Charbonnages de France (services centraux).
Apparu dès la fin du XIXe siècle, le football est sans conteste le sport avec lequel les mineurs entretiennent les liens les plus forts.
Le Racing Club de Lens en est l'incarnation : club d'une ville qui accueille l'une des plus importantes compagnies minières de la région, il est un vecteur de production mais aussi de diffusion de l’image du « footballeur-mineur » qui reste encore associée au club de nos jours. L’héroïsation de certains de ses footballeurs comme Stephan Dembicki ou Maryan Wisniewski permet de diffuser des valeurs telles que le courage ou le sens du devoir depuis les tribunes jusqu'au fond de la mine.
Course sur fond de chevalement : photographie, 1948. ANMT 2007 8 4192, Charbonnages de France (service centraux).
Les loisirs occupent une place importante dans la politique sociale des Houillères. Rapidement après leur création, elles proposent des séjours de vacances collectifs aux mineurs et à leurs familles. Les enfants des mines sont ainsi invités à goûter aux joies de la mer, de la montage ou de la campagne.
Groupe d'enfants en colonie de vacances : photographie, bassin minier de Lorraine, 1947. AMNT 2007 8 4160, Charbonnages de France (service communication).
À la fin des années 1940, les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais créent des lieux de vacances pour les mineurs et leur famille. Il existe un centre de vacances à Berck-sur-mer (Pas-de-Calais) mais les Houillères jettent surtout leur dévolu sur la Côte d'Azur afin que "les mineurs puissent bénéficier du soleil". Un centre est créé à Menton (Alpes-Maritimes) mais le plus emblématique est celui de Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes) dans le château d'Agecroft.
Surnommé le "château des mineurs", ce centre de vacances inauguré en 1947 accueille jusqu'à 500 familles en même temps. Il est doté d'une cour où les enfants peuvent jouer et d'une plage privée.
Sur ces images du Magazine des mineurs (1959) on découvre des résidents du château jouant dans la cour ou profitant de la mer toute proche.
Château de La Napoule dit "château des mineurs" (Mandelieu-La Napoule, Alpes-Maritimes): photographie, 1947. ANMT, Photothèque Charbonnages de France, 2007 8 4064.
Pour les enfants, les Houillères organisent également des colonies de vacances qui s’inscrivent dans le sillage des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire.
Chaque année, plus de 15 000 garçons et filles sont envoyés dans des centres répartis dans toute la France. Encadrés par des moniteurs diplômés, ces vacances collectives sont l'occasion de profiter d'un environnement qui rompt avec le quotidien des cités minières et de pratiquer diverses activités : chants, promenades en forêt, baignades, jeux individuels et collectifs, sports, veillées…
Dans ce reportage de 1961, on découvre la colonie du Nouvion-en-Thiérache (Aisne).
Enfants dans un dortoir : photographie, sans date. ANMT 2007 8 4063, Charbonnages de France (service communication).
Cet album virtuel est issu d'une série spéciale "Être et devenir mineur" proposée par les ANMT sur leur page Facebook en novembre 2020.
L'ensemble des photographies présentées provient des collections photographiques de Charbonnages de France (entrées 2007 8, 2007 9 et 2007 62).
Pour aller plus loin : consultez les inventaires de Charbonnages de France conservées aux ANMT.
Groupe de trieuses travaillant sous la surveillance d'un "porion" (contremaître), sans date. ANMT, Charbonnages de France (service communication).