ANMT 41 AQ 5, Oberkampf, manufacture de toiles de Jouy. Liasses de documents (1516-1780)

Un trésor archivistique d’Ancien Régime bien ficelé

2025 - Trésors d'archives

2025 - Trésors d'archives

 

En ce début 2025, les Archives nationales du monde du travail vous proposent un cycle « Trésors d’archives » de janvier à mai. Remarquables pour leur esthétique, leur ancienneté ou tout simplement l’histoire qu’ils racontent : cinq mois pour découvrir nos fonds autrement !

 

Photographie de la couverture du dossier contenant des titres de propriété et liasses de documents (1516-1780).

 

Les toiles de Jouy (Yvelines) sont mondialement connues. Elles étaient produites à l’origine par la manufacture Oberkampf à Jouy-en-Josas. Fondée en 1759 et fermée définitivement en 1843 sous le nom Barbet de Jouy, c’était la troisième plus grande entreprise en France sous l’Empire, derrière la Compagnie des mines d’Anzin et la Manufacture des glaces de Saint-Gobain. Fermée en 1843, la manufacture est mise aux enchères en lots et le dernier grand bâtiment de l’imprimerie est démoli en 1864.


Les Archives nationales du monde du travail (ANMT) conservent depuis 2003 le fonds de la manufacture Oberkampf. D’abord déposé par la Banque Mallet Frères, l’ayant-droit, il fait ensuite l’objet d’un contrat de don en 2024. C’est l’un des plus anciens fonds conservés aux ANMT, avec des documents datés de 1500 à 1869. Ces 38,5 mètres linéaires d’archives sont très fragmentaires jusqu’en 1790 mais contiennent quelques trésors datant de l’Ancien Régime avec des traces d’archéologie archivistique.
Parmi les archives identifiées comme provenant de la famille Oberkampf et de ses associés, un dossier intitulé « Chapitre 16, Fabrique de Jouy » » a attiré l’attention de nos archivistes. On y retrouve de nombreux actes et titres de rentes (1516-1780) sur papier et parchemin, reliés entre eux par petits paquets avec de la ficelle piquée sur leur coin bas gauche (liasse). Au nombre de trois, ces paquets sont marqués à l’encre rouge « n°1 », « n°7 » et « n°13 ». Le dossier est donc incomplet.

 

Couverture du dossier

 

Quant à la couverture de ce dossier, elle est constituée d’une feuille, en partie déchirée, provenant d’une affiche pour l’adjudication de biens fonciers et immobiliers par la Régie de l’Enregistrement et du Domaine national du 4 fructidor an 7 [21 août 1799]. Il s’agit d’un réemploi, sas lien avec le dossier. Elle comporte quatre mentions renseignant sur le contenu du dossier et l’histoire de sa conservation.

 

Photographie de la couverture du dossier contenant des titres de propriété et liasses de documents (1516-1780).


La première mention indique que ces rentes n’ont pas été comprises dans le cadre de la « Loi concernant le rachat et l’aliénation des rentes dues à la République du 21 nivôse an 8 » [11 janvier 1800]. Il s’agit d’une mention probablement écrite la même année ou plus tard par la personne qui a classé ces archives.


Non signée et non datée, la deuxième mention, apposée sur un papillon collé sur la couverture du dossier, est identifiable grâce à la troisième mention portée à l’encre au bas du papillon : « Note de M. Gottlieb Widmer ». Gottlieb Widmer (1778-1863), fils de Dorothée Oberkampf (1742-1792), en est donc l’auteur. Il écrit certainement entre 1799 et 1863. Connu pour avoir rédigé l’histoire de la famille et de la manufacture, il avait repéré ces documents anciens sans avoir le temps ni peut-être la capacité de les déchiffrer. Il indique en effet, à l’attention de futurs lecteurs : « Si jamais quelqu’un a le goût et la patience de déchiffrer ces parchemins, il y trouvera sans doute des renseignements curieux sur l’histoire ancienne de Jouy et du Josas. »


La quatrième mention, portée au crayon bleu, datée de mai 1923 et signée « GM », renseigne sur la suite de la vie de ce dossier. Elle en complète d’abord l’analyse, en précisant que les archives concernent la fabrique de l’église de Jouy, et non la manufacture de toiles. En effet, sous l’Ancien Régime et jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905, le terme de « fabrique » désigne un conseil formé de clercs et de laïcs chargé de l'administration des biens de la paroisse. Les titres conservés concernent donc pour la plupart des donations et rentes offertes à l’église Saint-Martin de Jouy.
On lit aussi en haut à droite la mention « Pour les archives du château de Jouy ».  Ainsi, le dossier quitte un lieu de conservation inconnu pour prendre, en mai 1923, la direction des archives du château de Jouy. Acheté en 1834 par le banquier James Mallet, mari de Laure Oberkampf, ce château demeure dans la famille jusqu’en 1953. Le parc est vendu deux ans plus tard.


Lors du classement du fonds par les archivistes, les pochettes en mauvais état ont été remplacées par des pochettes en papier neutre, avec report des informations. C’est l’étape du reconditionnement. Les pochettes anciennes sont ensuite conservées en tant que documents d’archives à part entière.


Poursuivez le travail de Gottlieb Widmer et des archivistes anonymes : les actes et titres de rentes du fonds Oberkampf n’attendent qu’un lecteur patient et passionné !

 

Photographie de la couverture du dossier contenant des titres de propriété et liasses de documents (1516-1780)

 

 

Sources et bibliographie

 

ANMT 41 AQ 5, Oberkampf, manufacture de toiles de Jouy (voir l’instrument de recherche)


CHASSAGNE Serge, Christophe-Philippe Oberkampf, un entrepreneur capitaliste au Siècle des Lumières, Paris, Aubier-Montaigne, 1981.


GRIL-MARIOTTE Aziza, « La manufacture d’Oberkampf à Jouy-en-Josas, marqueur de l’industrie textile dans l’espace francilien (1800-1818) », dans Les Actes du CRESAT, 2019, Les territoires au croisement du temps et de l’espace. Mobilités, identités et paysages, N°spécial de revue/special issue, p. 65-84.


KASDI Mohamed, Les entrepreneurs du coton : innovation et développement économique (France du Nord, 1700-1830), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014.


MASSA-GILLE Geneviève, « Les rentes foncières sous le Consulat et l'Empire », Bibliothèque de l'École des chartes, Année 1975, 133-2, p. 247-337.

 

 

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