L'agriculture raisonnée : entre productivité et durabilité, un compromis éphémère ?
2021 est l'année de l'agriculture aux Archives nationales du monde du travail.
Façonner la terre, domestiquer et élever les animaux, faire progresser les techniques et les outils : l’agriculture recouvre des réalités multiples. Du paysan travaillant dans les rizières d’Indochine aux syndicalistes de Massey-Ferguson, en passant par les sucreries du nord de la France ou le gigantisme des paysages américains, cette diversité des mondes agricoles aux XIXe et XXe siècles est richement documentée et illustrée dans les fonds des ANMT.
Chaque mois, nous vous faisons réfléchir, rêver ou voyager autour de cette thématique à partir de documents inédits.
Marqués par la « révolution agricole », les modes de productions agraires ont considérablement évolué depuis deux siècles.
Les environnements sociaux, économiques et techniques de ceux qui travaillent la terre et qui nourrissent les hommes ont été largement influencés par l’industrialisation de la société, le développement de l’économie de marché et l’essor démographique.
Aujourd’hui, les exploitations agricoles sont classées en deux catégories : celles qui relèvent de l’agriculture conventionnelle, née dans les années 1960 à 1980 dans un contexte productiviste, et celles qui appartiennent à l’agriculture durable, plus sensible aux enjeux contemporains.
L’agriculture conventionnelle, souvent réduite à sa forme dite intensive ou productiviste, suit des principes de production qui tendent vers un rendement maximum des cultures et de l’élevage. Elle est marquée par l’adoption des innovations techniques (usage important des machines) et chimiques avec l’utilisation d’intrants (engrais, produits phytosanitaires, insecticides) et d’organismes génétiquement modifiés.
Si cette forme de production est défendue comme réponse à des besoins alimentaires croissants, notamment dans les pays en voie de développement, et comme adaptation nécessaire à la mise en concurrence des systèmes agricoles nationaux, elle est aujourd’hui décriée principalement pour ses impacts importants sur l’environnement (pollution et épuisement des sols) et sur la santé des hommes et des animaux.
Le concept d’agriculture durable est né dans les années 1990 du constat de l’impossibilité de maintenir une forme d’agriculture intensive dans le temps sans de graves conséquences sur l’environnement. Il s’agit d’adapter à l’agriculture les principes du développement durable par la création d’un système productif agricole économiquement viable, socialement équitable et écologiquement responsable.
L’agriculture durable réunit des courants de pensée et des applications très divers dans le monde. En France, sa forme la plus remarquée est l’agriculture biologique, reconnue par la loi d’orientation agricole de 1980 et protégée par un label français puis européen. Elle se définit par l’interdiction d’usage d’intrants chimiques pour préserver la qualité des sols et sauvegarder la biodiversité.
L’agriculture raisonnée apparaît dans ce contexte comme une démarche modérée. Elle consiste d’une part à optimiser les résultats économiques de l’entreprise et à répondre aux demandes des consommateurs, et d’autre part à prendre en compte l’urgence de limiter l’utilisation d’intrants chimiques. Dès 1993, le Forum des agriculteurs responsables respectueux de l’environnement (FARRE), se fait porteur de cette démarche et s’emploie à la promouvoir. L’État en reconnaît les principes et encadre ces pratiques par décret en 2002.
La promotion de cette pratique passe par des actions de communication, auprès des agriculteurs et de l’industrie agroalimentaire qu’il faut convaincre des bénéfices à adopter la qualification « agriculture raisonnée ». Les médias et le grand public sont également ciblés, notamment grâce au réseau de « médiateurs des champs », des fermes de rencontre où les agriculteurs présentent eux-mêmes leur démarche et leurs méthodes.
Les pratiques de l’agriculture raisonnée sont toutefois critiquées pour ne pas remettre suffisamment en cause l’usage des produits phytosanitaires, mais également pour la présence d’entreprises de l’industrie chimique parmi les membres de l’association. La qualification officielle « agriculture raisonnée » est finalement abandonnée par l’État en 2013 pour être remplacée par la certification environnementale des exploitants agricoles. L’association FARRE est dissoute en 2018.
Le fonds de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) est exclusivement constitué d’archives photographiques et vidéographiques du début du XXe siècle aux années 1990. Ces documents permettent de découvrir les métiers agricoles, les activités et la vie rurale en France et en Europe.
|