Réunion pour la libération d'Alban Liechti : affiche, 1956. ANMT 1998 20 410, Secours populaire français

Le Secours populaire français à la rescousse des « soldats du refus » de la guerre d’Algérie

2023 - Travailler en temps de guerre

Notre thématique de l’année 2023 sera celle de la grande exposition « Travailler en temps de guerre » présentée du 26 mai 2023 au 4 mai 2024 aux Archives nationales du monde du travail.
Comment les conflits armés changent-ils les modes d’organisation du travail ? Quels sont les impacts sur les vies, les corps et les esprits des travailleurs ? Tout au long de l’année, nos dossiers ou documents du mois prolongeront l’exposition en interrogeant les liens entre guerre et travail.

 

Réunion pour la libération d'Alban Liechti : affiche, 1956.

 

Il est des travailleurs de l’ombre en temps de guerre. Les salariés et bénévoles du Secours populaire français en sont un exemple. Né en 1945 de la fusion du Secours populaire de France et de l’Association nationale des victimes du nazisme, il défend la solidarité et l’égalité entre tous, partout dans le monde. Il est donc naturel que ses salariés et bénévoles se mobilisent pour défendre les valeurs humaines à tout prix au milieu de la violence. Ainsi, sur les théâtres de guerre, ils apportent de l’aide aux populations civiles à travers l’organisation de collectes de nourritures et d’objets du quotidien, mais ils veillent également à interpeller les consciences. Ils se font en effet un devoir d’agir pour que les droits fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH) ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la victoire militaire.

C’est ainsi que le Secours populaire s’engage dans la défense des « soldats du refus » pendant la guerre d’Algérie.  Entre juillet 1956 et mai 1959, une quarantaine de jeunes communistes appelés du contingent, refusent de participer à cette guerre. Ils sont emprisonnés, souvent en Algérie, notamment aux bagnes de Lambèsea (aujourd'hui Tazoult), de Tinfouchy et de Berrouaghia, pour insoumission, désertion ou refus d’obéissance.

Alban Liechti est l’un de ces objecteurs de conscience et le premier à adresser une lettre à René Coty, président de la République française, le 2 juillet 1956 (extrait) :

« Je ne peux pas prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. En me refusant à participer à cette guerre injuste, j’entends contribuer à préserver la possibilité de rapports librement consentis, basés sur les intérêts réciproques et le respect des droits de nos deux peuples, et rapprocher le moment où la guerre fera enfin place à la négociation. »

Il est condamné à deux ans de prison qu’il effectue à Berrouaghia en Algérie.

Le secours populaire organise des campagnes pour aider ce jeune homme en vertu de l’application de l’article 19 de la DUDH : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». Ces campagnes amènent la question de la légitimité de cette guerre dans le débat public et se font l’écho, au-delà des différentes convictions politiques, des discours humanistes et pacifistes qui ont du mal à se faire entendre à cette époque à cause d’une censure censée empêcher toute atteinte à la sûreté de l’État.

Comme pour d’autres de ces jeunes hommes, le Secours populaire français fournit un appui militant, matériel et moral à la famille et aux proches d’Alban Liechti au travers d’organisation de réunions publiques, de distribution de tracts, de pétitions envoyées aux pouvoirs publics.

L’association ne parvient pas à faire libérer Alban Liechti, mais grâce à d’autres campagnes, certains soldats sont renvoyés en service militaire avant la fin des deux ans de détention qu’ils doivent faire et démobilisés.

Environ 12 000 soldats français ont fait acte de désobéissance pendant cette guerre, dont 420 objecteurs de conscience.


Ces affiches et pétition sont conservées aux ANMT au sein des archives du Secours populaire français (1930-1999).

 

Pour aller plus loin :

Axelle Brodiez, Le Secours populaire français, 1945-2000 : du communisme à l’humanitaire, Paris : les Presse de Sciences po, 2006, 365p.

Quémeneur, Tramor. « Les « soldats du refus ». La détention, la campagne de soutien et la répression des soldats communistes refusant de participer à la guerre d'Algérie », Histoire de la justice, vol. 16, no. 1, 2005, pp. 189-201.

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