

Un mariage qui compte
2025 - Trésors d'archives
En ce début 2025, les Archives nationales du monde du travail vous proposent un cycle « trésors d’archives » de janvier à mai. Remarquables pour leur esthétique, leur ancienneté ou tout simplement l’histoire qu’ils racontent : cinq mois pour découvrir nos fonds autrement !
Les Archives nationales du monde du travail conservent les archives de quelques sociétés d’Ancien Régime, notamment des imprimeurs ou papetiers.
À l’époque, il n’est pas rare pour deux familles de lier leurs affaires via un arrangement matrimonial. C’est ainsi qu’un dossier de 1787 fait le lien entre les familles Pochard et Magimel.
La papeterie est un univers très masculin au XVIIIe siècle, mais à travers ce mariage se révèlent quelques femmes aux métiers consacrés aux services. Elles gravitent autour d’Elisabeth Geneviève Magimel, devenue Elisabeth Pochard après son mariage.
La future mariée et la marchande de tissus
Augustin Pochard (?-1802), marchand papetier à Paris, épouse le 26 janvier 1788 Elisabeth Geneviève Magimel (?-1829). Le père de la mariée, Augustin Simon Magimel (1730-1792), est un marchand orfèvre issu d’une lignée d’orfèvres parisiens qui remonte au XVIIe siècle.
Le contrat de mariage du 26 décembre 1787 stipule qu’Elisabeth reçoit de ses parents 20 000 livres de dot, que son mari lui donne une rente annuelle de 500 livres et qu’elle jouira d’un douaire à sa mort. De plus, il prévoit le remboursement des frais de mariage par les parents, soit 3 000 livres.
Un reçu mentionne la vente à Madame Magimel d’articles textiles par la marchande de tissus Sophie Lacot, à savoir 13 aunes de cretonne,14 aunes de toile de Flandre, 4 aunes de Courtrai. Au vu de la nature des tissus et de la quantité achetée (au total quelques 37 mètres de toiles de lin de qualité différente), ces articles sont certainement destinés à la confection de linge de maison.
La mère et la nourrice
Une note de compte manuscrite, provenant vraisemblablement d’Elisabeth, fait mention du détail de dépenses faites à l’occasion du mariage. Le contrat de mariage a coûté 78 livres, et 73 livres ont été dépensées « pour différents objets achetés à Maman ».
Deux autres femmes sont mentionnées sans être nommées. Il s’agit de sa mère, Elisabeth-Anne Rieutort (1741-1790), et d’une nourrice qui reçoit 4 livres et 16 sous.
La couturière et Madame Pochard
Le niveau social d’Elisabeth Geneviève Magimel, devenue Madame Pochard, lui permet de recourir à une couturière. C’est Madame Cadda, veuve, qui se charge des ouvrages de façon, du raccommodage de chemises et jupons et des rajouts de rubans, baleines, doublures, etc. Un mémoire non daté détaille ces travaux pour un montant de 47,1 livres. Payé comptant et annoté par la Veuve Cadda, il laisse deviner la nature des vêtements de Madame Pochard.
La veuve Pochard et sa nouvelle couturière
Avançons de quelques décennies pour découvrir la trace d’une nouvelle couturière, Mlle Doin, via une note de 27,10 livres, le 7 germinal an X [28 mars 1802]. Augustin Pochard est alors décédé 20 jours plus tôt. Elisabeth Pochard paie les accessoires textiles en noir nécessaires pour porter le deuil de son mari : organdi, crêpe, etc.
Les cuisinières
Des états d’appointements font état de la présence de deux cuisinières successives au sein de la maison Pochard : Angélique Descham de 1797 à 1799, payée 240 livres par an, puis Julie en 1806, payée 200 livres par an.
Madame Veuve Pochard, femme d’affaires
À la mort de son mari, Elisabeth Pochard lui succède à la tête de la papeterie comme l’attestent plusieurs avis et rappels d’imposition indiquant les patentes.
Les archives des papetiers Pochard présentent de nombreux documents relatifs à l’union d’Elisabeth Magimel et d’Augustin Pochard et à leur vie commune. À travers ces documents, on retrouve sept profils de femmes (cuisinières, nourrice, couturières…) qui gravitent autour d’Elisabeth. Cette dernière occupe une place centrale, allant jusqu’à prendre la suite de son mari à la tête de l’entreprise après son décès.
Ce mariage lie la famille Pochard et la famille Magimel dans le milieu professionnel et inaugure l’entrée des Magimel dans le monde de l’édition et de la librairie.
Les liens avec la famille Pochard se renforcent également en 1793 lorsqu’une des cousines d’Elisabeth, Marie Antoinette Magimel (1775-1850), épouse François Bazile Pochard (1767- ?), neveu d’Augustin Pochard.
Aujourd’hui, les familles Pochard et Magimel se côtoient encore à travers leurs archives conservées aux ANMT.
Sources et bibliographie
Archives nationales, F18 1726 à 1837 Dossiers individuels des libraires et imprimeurs du département de la Seine 1815-1870. Mollier Jean‑Yves, « L’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France de la fin du XVIIIe siècle au début du XXIe siècle : approche bibliographique », avril 2019, en ligne. Vouillot Bernard, L’imprimerie et la librairie à Paris sous le Consulat et l’Empire (1799-1814), Paris, thèse de l’école nationale des chartes, 1979.
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