Unir ses forces pour résister aux crises et s’imposer sur le marché : les coopératives agricoles
2021 est l'année de l'agriculture aux Archives nationales du monde du travail.
Façonner la terre, domestiquer et élever les animaux, faire progresser les techniques et les outils : l’agriculture recouvre des réalités multiples. Du paysan travaillant dans les rizières d’Indochine aux syndicalistes de Massey-Ferguson, en passant par les sucreries du nord de la France ou le gigantisme des paysages américains, cette diversité des mondes agricoles aux XIXe et XXe siècles est richement documentée et illustrée dans les fonds des ANMT.
Chaque mois, nous vous faisons réfléchir, rêver ou voyager autour de cette thématique à partir de documents inédits.
Mettre en commun des biens ou des capitaux pour s’en répartir les bénéfices : tel est l’objectif des coopératives agricoles. Celle-ci sont nées au début de la Troisième République (1870-1940), dans un contexte où une grande partie des exploitations agricoles étaient extrêmement fragiles sur le plan économique. Les agriculteurs étaient fortement vulnérables aux crises, telle celle du phylloxéra dans les années 1870.
Le phylloxéra est un insecte de quelques millimètres. Parasite de la vigne, il représente un véritable défi pour les pouvoirs publics du XIXe siècle. Une loi de 1874 promet ainsi 300 000 francs à « l’inventeur d’un moyen efficace pour détruire le Phylloxéra ». Parmi les solutions proposées, la dynamite est décrite non sans ironie comme un « moyen infaillible de tuer le phylloxéra, et peut-être bien la vigne ». Sont également proposées des « prières et conjurations (…) suivies de processions » !
Cette lutte est à l’origine d’une première forme de coopération paysanne : les syndicats de défense contre le phylloxéra dont le but est d’obtenir des subventions pour acquérir du sulfure de carbone, produit coûteux utilisé pour éliminer cet insecte.
La lutte contre le phylloxéra est une des origines indirectes de la crise viticole du Languedoc : la plantation de vignes d’origine américaine résistantes au puceron aboutit à une surproduction au début du XXe siècle ! Les vignerons répondent alors par la création de caves coopératives.
En 1884 la loi Waldeck-Rousseau autorise la création de syndicats – ces derniers étaient interdits depuis la Révolution. Les paysans en profitent pour créer des syndicats qui servent d’intermédiaires pour réaliser des achats collectifs à des prix avantageux, les engrais chimiques et les machines étant très onéreux. Ces « syndicats boutiques » deviennent les premières coopératives agricoles.
Dans le même temps naissent des caisses mutualistes, comme le Crédit agricole créé par la loi Méline de 1894.
Les coopératives connaissent une véritable expansion pendant l’entre-deux-guerres. Elles servent notamment à faire face aux difficultés du marché céréalier dans un contexte de crise économique mondiale suite au krach de 1929 : le prix du blé passe de 170 francs le quintal (cent kilogrammes) en 1932 à 85 francs en 1933.
Les coopératives permettent de mettre en commun les capacités de stockage des céréales et d’obtenir des crédits à taux avantageux.
Remplacées par une structure unique pendant le régime de Vichy (1940-1944), les coopératives renaissent après la guerre, en pleine période d’essor de l’agriculture : en 1975, la France devient le deuxième pays exportateur de céréales et le plus important stockeur de céréales de la Communauté économique européenne.
Les coopératives sont alors regroupées dans trois unions nationales, la plus importante étant l’Union nationale des coopératives agricoles de céréales (UNCAC).
Plus tard, un nouveau regroupement donne naissance au groupe InVivo.
Aujourd’hui, les coopératives réunissent 75 % des agriculteurs. En 2020, sur les cent plus grandes coopératives françaises, soixante-trois étaient de nature agricole. Leurs noms sont peu connus du public : Agrial, Sodiaal Union et Tereos pour ne citer que les plus importantes. Pourtant, en 2014 ces structures possèdent une marque alimentaire sur trois et plusieurs enseignes commerciales.
Le rapport imprimé sur les travaux du service du phylloxera du ministère de l’Agriculture provient des collections de la bibliothèque spécialisée des ANMT. Le fonds InVivo – Union des coopératives agricoles est entré en 2016 aux ANMT et rassemble les archives du siège d’InVivo et des différentes unions qui ont contribué à créer le groupe sur une période allant de 1945 à 2011. La collection de documentation imprimée sur les entreprises est constituée de documents publiés par des entreprises françaises entre 1850 et 1980 et résumant leurs activités. Le fonds du Haras Boussac a été acquis par les Archives nationales en 1990. Il documente sur 10 ml les activités deMarcel Boussac, propriétaires de plusieurs haras entre 1917 et 1965. La collection de titres boursiers de Mondine Fabrer a été acquise par les ANMT en 2004. Il s’agit de 800 titres boursiers des XIXe et XXe siècles rassemblés par une collectionneuse. |
Bibliographie :
BARJOT, Dominique, CHALINE, Jean-Pierre, ENCREVÉ, André, La France au XIXe siècle, 1814-1914, PUF, Paris, 1995, p. 360.
NICOLAS, Philippe, « Emergence, développement et rôle des coopératives agricoles en France. Aperçus sur une histoire séculaire », Économie rurale, année 1988, 184-186, p. 116-122 [en ligne : https://www.persee.fr/doc/ecoru_0013-0559_1988_num_184_1_3900]. Consulté le 5 août 2021.
PUGET, Yves, « Le "modèle" coopératif », lsa-conso.fr, 27/11/2014 [en ligne : https://www.lsa-conso.fr/hors-serie-coop-de-france-novembre-2014,192679]. Consulté le 5 août 2021.
« Les 100 plus grandes entreprises coopératives françaises – édition 2020 », CoopFr [en ligne : https://www.entreprises.coop/system/files/inline-files/top100-entreprises-coop-2020_8.pdf]. Consulté le 5 août 2021.