Nom et prénom : DUTOMBOIS Albert
Date de naissance : 30 octobre 1922
Profession : Ouvrier
Lieu de travail : établissements Houssin à Aire-sur-la-Lys, Pas-de-Calais (usine agro alimentaire)
Mon lien de parenté avec lui : Mon grand-père maternel
Mon grand-père Albert est né en 1922 à Aire-sur-la-Lys, petite ville du Pas-de-Calais. Trop tard pour porter l’uniforme en 1940, suffisamment tôt pour subir le STO en 1943. Cet épisode donna lieu à l’heure de gloire mythique de sa jeunesse, qu’il se plut plus tard à conter à ses petits enfants. Il fut donc requis pour aller travailler pour le compte de l’organisation Todt et envoyé construire le Mur de l’Atlantique sur la côte, à Wimereux ou Wissant, je ne m’en souviens plus.
Nous pleurons parfois aujourd’hui ces blockhaus régulièrement attaqués et qui s’effondrent peu à peu dans le sable, faisant ainsi disparaître un patrimoine témoin de la seconde guerre mondiale. Mais mon grand-père et ses camarades ne voulaient pas qu’il en fût autrement. Il nous expliquait comment, sur le chemin entre les réserves de sable, d’eau, de gravier et l’endroit où l’on édifiait les défenses, ils balançaient allègrement les bras, de manière à ce que les seaux qu'ils transportaient se vident de moitié. De plus, au moment de fabriquer le béton, ils modifiaient effrontément les quantités, surdosant en sable, afin de le rendre moins résistant.
Il se souvenait aussi qu’ils étaient installés auprès de gigantesques parcs à moules : « Les autres se goinfraient, en mangeaient des quantités incroyables. Moi, je n’y arrivais pas, je les recrachais. » Il en gardait un souvenir amer. Et puis, il y avait ma grand-mère, Marcelle, alors un petit bout de femme de 19 ans, qu’il avait été forcé de facto d’abandonner.
Il décida donc, au bout de quelque temps, de s’enfuir. Ses deux premières tentatives échouèrent. Il fut repris. La troisième fois, il changea son fusil d’épaule. Ou plutôt il la chargea d’une planche, avec laquelle il entreprit la route du retour. A chaque fois qu’il croisait une patrouille allemande qui lui demandait des comptes, il lui répondait simplement : « Arbeit ! Arbeit ! ». Quand tout danger fut écarté, il se débarrassa de sa planche de salut et regagna Aire-sur-la-Lys à pied, où il put accompagner sa chère et tendre dans les derniers mois de sa grossesse, jusqu’à la naissance de ma mère en janvier 1944.