Ouvrières fabriquant des obus, [première guerre mondiale] - ANMT PI 41 1.

Hommage aux travailleurs et travailleuses en temps de guerre

2023 - Travailler en temps de guerre

En ce mois de janvier, nous vous proposons de prolonger la thématique de 2023 pour une dernière incursion dans l'univers des travailleurs et travailleuses en guerre. Rendez-vous en février pour découvrir le thème de l'année 2024 !

L'exposition « Travailler en temps de guerre » quant à elle, est à découvrir jusqu'au 4 mai 2024.

Ouvrières fabriquant des obus pour la société de l'Éclairage électrique, [1914-1916].

 

Le Mur des travailleurs et travailleuses en temps de guerre

L’exposition Travailler en temps de guerre 14-18 / 39-45 revêt un caractère inédit avec son approche globale et pluridisciplinaire du sujet et les nombreuses archives d’entreprises ou de personnes privées présentées et jusqu’ici peu révélées au public. Cette exposition, en questionnant les mutations du travail au cours des deux guerres mondiales, place volontairement les travailleurs et travailleuses au cœur du propos. Elle invite ainsi à découvrir cette histoire, à la fois nationale et locale, et ces destins, à la fois collectifs et individuels, du travail en temps de guerre.

Proposer un dispositif contributif pour enrichir cette exposition avec des témoignages issus de l’histoire familiale est l’enjeu du Mur des travailleurs et des travailleuses en temps de guerre. C’est l’appel qui a été lancé dès l’ouverture de l’exposition en mai 2023 : « Nous avons tous des ancêtres qui ont travaillé en temps de guerre. Leur histoire compte, racontez-la ! ». Ces histoires singulières font directement écho au propos historique déroulé dans l’exposition.

Photographie du mur des travailleurs et travailleuses en temps de guerre, 2023.

 

Main d’œuvre en guerre

Les guerres créent la pénurie de main-d’œuvre par la mobilisation de millions d’hommes. Comment faire face à une économie de guerre qui réclame une production toujours plus importante, alors que les bras se raréfient ? Les femmes sont sommées de remplacer les hommes aux travaux des champs. Elles sont aussi recrutées massivement dans les usines d’armement. Le volontariat et la contrainte sont employés pour attirer d’autres travailleurs en fonction de leur situation : réfugiés, prisonniers, mutilés, coloniaux, requis…

Travailleurs indochinois récoltant du sel pour la Compagnie des produits chimiques d'Alais, Froges et Camargues : photographie, 1941-1942.
Ouvrières fabriquant des obus pour la société de l'Éclairage électrique, [1914-1916].

 

A l’arrière du front en 1914-1918

Suzanne Riby et sa mère. Collection particulière.

Durant la première guerre mondiale, les femmes investissent tous les secteurs d’activité : agriculture, industrie, transports… Le président du Conseil, René Viviani, les exhortent dans une proclamation du 2 août 1914 : « Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille. » C’est ce que fera Juliette RIBY, cultivatrice à Cravant dans le Loiret. Son mari Abel est mobilisé en 1914. Sa fille Suzanne arrête l’école au printemps 1917 à 13 ans pour aider sa mère à la ferme. Elle écrit régulièrement à son père, lui décrivant les travaux qui rythment la vie de l’exploitation familiale : couper de l’herbe pour nourrir les lapins, s’occuper du vêlage des vaches, participer aux travaux des champs… C’est Frédérique, la petite fille de Suzanne, qui nous a confié cette histoire familiale.

Photographie de Georges Cambier.  Collection particulière.

Toujours pendant le premier conflit mondial, dans la France du nord et de l’est occupée, les ouvriers sans travail ou refusant de travailler pour l’occupant allemand sont transférés dans des camps et forcés au travail, souvent proches de la ligne de front. Ils sont surnommés de leur signe distinctif : les « Brassards rouges ».
En 1916, Georges CAMBIER a 18 ans. Il est menuisier-ébéniste à Lille. Convoqué par les autorités d’occupation, il refuse de signer un engagement volontaire. Enrôlé de force, il est affecté au Zivilarbeiter Bataillon (ZAB) 24 à Vadencourt dans l’Aisne. C’est Philippe, son petit-fils, qui nous a raconté son histoire.

Odon DEKENS, âgé de 15 ans, subira le même sort. En 1915, il est enrôlé de force par l’occupant allemand. Sa petite-fille, Carole, rapporte la dureté du travail : creusement de tranchées, de fosses communes… et ce jusqu’à la fin de la guerre.

 

Travailler pour l’occupant en 1940-1944

Carte de travailleur de Roger Nègre, 1943.  Collection particulière.

Pendant la seconde guerre mondiale, suite aux échecs de la propagande allemande pour attirer des travailleurs volontaires en Allemagne (1940) puis dans le cadre de la Relève (1942), l’État français institue le Service du travail obligatoire (STO) en 1943. Près de 600 000 Français seront ainsi réquisitionnés pour le travail forcé en Allemagne. Roger NEGRE, menuisier-ébéniste, a 29 ans quand il part pour le STO le 11 mai 1944. Originaire du Tarn, il sera affecté dans une usine de Munich puis sur des chantiers routiers avant de rentrer en France en 1945. C’est sa petite-fille Carole qui nous a conté son parcours.

Albert DUTOMBOIS a 21 ans quand il est requis pour l’organisation Todt, dans le cadre du STO, et affecté à la construction du mur de l’Atlantique. Son petit-fils Frédéric raconte dans un style épique comment son grand-père et ses camarades ralentissaient le chantier en « balançant les bras, sur le chemin entre les réserves de sable, d’eau, de gravier et l’endroit où l’on édifiait les défenses, de manière à ce que les seaux se vident de moitié » ou en modifiant les quantités dans la fabrication du béton pour le rendre moins résistant.

Photographie d'Hubert et Angeline Marmet.  Collection particulière.

 

Tous ne sont pas partis au STO mais certains ont travaillé sous le joug de l’Occupant. C’est le cas d’Hubert MARMET, ancien combattant de la Grande Guerre, qui travaille à l’Arsenal de Rennes à la veille de la seconde guerre mondiale. Les Allemands s’y installent dès le 18 juin 1940 et en partiront dans la nuit du 3 au 4 août 1944, après avoir détruit la quasi-totalité des ateliers et dépôts. Sa femme Angéline tient une épicerie dans la ville. Cette histoire bretonne nous a été transmise par Noémie, l’arrière-petite-fille d’Hubert et Angéline.

Jean JAUX a 27 ans à la date de la mobilisation générale (2 septembre 1939) et il travaille à l’usine Schneider du Creusot (Saône-et-Loire). Mobilisé en avril 1940 puis démobilisé rapidement en août 1940, il attend son retour à la vie civile dans une caserne de la Drôme. A sa reprise du travail, l’usine du Creusot est dirigée par l’armée allemande depuis le 17 juin 1940, comme nous raconte sa petite fille Corinne.

 

Femmes seules à l’arrière

Photographie d'Hélène Meausoone.  Collection particulière.

Les femmes seules sont confrontées à des situation inédites.

Photographie de Paule Van Caemerbeke.  Collection particulière.

Hélène MEAUSOONE est cultivatrice. Son mari est fait prisonnier durant la campagne de mai-juin 1940 et restera en captivité jusqu’en 1945. C’est un voisin qui lui apprend le métier : conduire la charrue, gérer le cycle des récoltes… De femme de cultivateur, Hélène est devenue une cheffe d’exploitation agricole qui a affronté les exigences de réquisitions de l’armée allemande. Sa petite fille Joëlle nous précise qu’elle a été décorée de l'ordre du mérite agricole le 14 juin 1946.

Le mari de Paule VAN CAEMERBERKE est aussi en Allemagne, à Munich où est parti travailler en tant que volontaire en 1942. Paule est ouvrière au peignage Amédée Prouvost à Roubaix où les conditions de travail sont difficiles. Elle enverra ses deux enfants chez leurs grands-parents à la campagne et continuera de travailler au peignage. Son arrière-petite-fille Marine nous rapportera que son arrière-grand-mère Paule ne s’est jamais confiée à ses enfants sur cette période de sa vie.

 

La collecte d’histoires continue !

D’autres histoires de travailleurs et travailleuses en temps de guerre sont à découvrir au cœur de l’exposition. 25 portraits y sont présentés : 21 hommes, 4 femmes.

Photographie du mur des travailleurs et travailleuses, 2023.

Ce mur des travailleurs et travailleuses en temps de guerre nous rappelle l’intérêt de préserver et valoriser les histoires familiales, parfois tues, bien souvent méconnues.

N’hésitez pas à ouvrir vos cartons, albums et boîtes à photos ou autres souvenirs de famille afin d’y découvrir l’histoire d’un père, d’une mère, d’une grand-mère, d’un arrière-grand-père, d’un frère, d’une sœur, d’une tante ou bien encore d’un oncle… qui a travaillé en temps de guerre. Son histoire trouvera sa place dans l’exposition. Votre participation permettra de documenter l’histoire du travail en temps de guerre.

Pour plus d'information, rendez-vous sur la page consacrée à l'exposition.

 

Pour aller plus loin

Album virtuel "Réveiller les mémoires du travail forcé".

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