La Charte du travail de Vichy ou le travail comme valeur refuge
Notre thématique de l’année 2023 sera celle de la grande exposition « Travailler en temps de guerre » présentée du 26 mai 2023 au 4 mai 2024 aux Archives nationales du monde du travail.
Comment les conflits armés changent-ils les modes d’organisation du travail ? Quels sont les impacts sur les vies, les corps et les esprits des travailleurs ? Tout au long de l’année, nos dossiers ou documents du mois prolongeront l’exposition en interrogeant les liens entre guerre et travail.
La Charte du travail est une loi sur le droit du travail, adoptée en octobre 1941 dans un contexte de défaite et d’occupation. En effet, un an plus tôt, la France a cédé face à l’invasion allemande et signé un armistice avec le Troisième Reich. Réfugié à Vichy en zone non occupée par l’armée allemande, le gouvernement de Philippe Pétain et Pierre Laval applique une politique collaborationniste et conservatrice résumée en une devise : « Travail, Famille, Patrie ».
Dans la France de ce début des années 1940, la débâcle n’est pas que militaire : c’est la société toute entière qui est hébétée. Beaucoup d’hommes en âge de combattre sont prisonniers en Allemagne, l’économie est désorganisée, l’avenir apparaît bien sombre. Dans ce contexte, le gouvernement brandit des valeurs refuges et promet le retour à un ordre ancien et largement fantasmé. Retour à la terre, anti-intellectualisme et morale religieuse sont au cœur de son projet de société : la « Révolution nationale ».
Désigner cette loi sous le terme de « charte » n’est pas neutre : cela renvoie à une terminologie médiévale. Le graphisme utilisé ici est très révélateur de cet état d’esprit : la charte est enroulée sur elle-même comme un parchemin, elle est pourvue d’un sceau représentant la francisque et touchée par cinq mains, dans un geste qui évoque la prestation de serment… mais qui rappelle aussi le salut fasciste.
Le régime de Vichy veut faire oublier la lutte des classes. Ce texte opère un recul dans les droits sociaux qui avaient été conquis durant les décennies précédentes : suppression du droit de grève et des syndicats, interdiction de toutes activités politiques dans le cadre du travail. Elle instaure une organisation corporatiste pyramidale très rigide avec à sa base des comités sociaux en entreprise. Chaque branche d’activité est ainsi contrôlée par le régime qui fixe prix et salaires. Par ailleurs, un salaire minimum est instauré.
Abolie par le gouvernement provisoire de la Libération en juillet 1944, la Charte du travail a néanmoins laissé des traces dans la vie socio-professionnelle française, notamment au travers des comités sociaux devenus comités d’entreprise.
Cette brochure de présentation de la Charte du travail de 1941 est conservée aux ANMT dans la collection des pièces isolées papier. En 10 doubles pages, elle présente les grands principes de cette loi, schémas à l’appui. Elle était probablement destinée à être distribuée dans les entreprises.
Pour aller plus loin :
Loi du 4 octobre 1941 relative à l’organisation sociale des professions, dite « Charte du travail ». Consultable en ligne.