Notre thématique de l’année 2023 sera celle de la grande exposition « Travailler en temps de guerre » présentée du 26 mai 2023 au 4 mai 2024 aux Archives nationales du monde du travail.
Comment les conflits armés changent-ils les modes d’organisation du travail ? Quels sont les impacts sur les vies, les corps et les esprits des travailleurs ? Tout au long de l’année, nos dossiers ou documents du mois prolongeront l’exposition en interrogeant les liens entre guerre et travail.

Félix Bollaert, ancien directeur de la compagnie des mines de Lens, est mobilisé pendant la Grande Guerre en 1914 comme commandant d’artillerie. Il est depuis 1905 membre du conseil d’administration de la compagnie.

Que nous apprennent les archives de la société du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais sur la mobilisation de son célèbre administrateur pendant la première guerre mondiale ?

Félix Bollaert, ingénieur des mines et militaire

Fils d'Édouard Bollaert et de Céline Tilloy, il naît à Lille le 13 août 1855. Son père est l’un des fondateurs de la compagnie des mines de Lens pour laquelle il est nommé agent général en 1856. Il s’installe alors avec sa famille dans le Pas-de-Calais.
Félix Bollaert, sur les traces de son père, est un ingénieur des mines diplômé de l’École Polytechnique et de l’École nationale supérieure des mines de Paris. Dans le cadre de ses études, il réalise deux ans de service militaire de 1875 à 1877 et à ce titre, sert dans la réserve de l’armée sur des périodes de mise en disponibilité.

Il rejoint en 1886 les mines de Lens en tant qu’ingénieur à la direction du service commercial, après une première expérience de cinq ans dans les Houillères belges. Puis il entre au conseil d’administration de la compagnie en 1905, avant d’être nommé successivement secrétaire du conseil en 1918 puis vice-président en 1920. En 1922, alors âgé de 67 ans, il est nommé président de la compagnie des mines de Lens.

Gestion et présidence de la société des mines de Lens pendant la première guerre mondiale

Lens est occupé à partir du 4 octobre 1914. Du fait de son statut militaire, Félix Bollaert rejoint au début de la première guerre mondiale le front de l’Artois en tant que commandant d’artillerie puis rejoint le nouveau ministère de l’Armement à Paris. Il reçoit pour son engagement, en 1918, la Légion d’honneur et la décoration de commandeur de l’Empire britannique.

Aucun document du conseil d’administration relatifs à la période 1914-1918 n’apparait dans les archives de la société des mines de Lens, conservées aux Archives nationales du monde du travail depuis 1994. Néanmoins, les comptes rendus postérieurs à 1918 nous apprennent que la dernière assemblée générale a eu lieu le 8 novembre 1913 et que les administrateurs Pierre Destombes et Albert Motte décédés pendant le conflit ont été remplacés.

Un président engagé pour la mémoire des mineurs victimes du conflit

Après la guerre, la reconstruction industrielle du site de Lens est menée par Félix Bollaert qui s’illustre aussi dans ses engagements sociaux et caritatifs auprès de la population des mineurs de la société. Il œuvre, avec sa femme Marthe Le Gavrian, à faire revivre les sociétés et associations culturelles du bassin minier, notamment musicales et sportives, soutient et fonde des fondations d’aide au mineurs.

Le 4 octobre 1925, la société des mines de Lens inaugure un monument au mort à la mémoire de 906 de ses ingénieurs, employés, ouvriers et retraités morts pour la France lors de la Grande Guerre. Dans son discours, le président Félix Bollaert fait état de la période d’occupation par les Allemands des mines de Lens et fait l’éloge de ses employés décédés, en mémoire de leur dévouement pour la patrie.

Après son décès le 26 décembre 1936 à Paris, la compagnie donne son nom à la fosse 13 bis et au stade accueillant le Racing Club de Lens construit en 1931 à l’initiative de Félix Bollaert, devenu aujourd’hui le célèbre Stade Bollaert-Delelis.

Sources :

Société des mines de Lens : administrateurs et contrôle du personnel (1901-1934). ANMT 1944 55 60.
Société des mines de Lens : mouvement du personnel (1881-1935). ANMT 1944 55 76.
Société des mines de Lens : mouvement du personnel (1926). ANMT 1944 55 79.

Pour aller plus loin :

Archives départementales du Pas-de-Calais, "13 août 1855 – Naissance du lensois de cœur Félix Bollaert". Consultable en ligne.

DUBOIS (Guy) et MINOT (Jean-Marie), Histoire des mines du Nord et du Pas-de-Calais (des origines à 1939-45), Tome 1, Editions A compte d'auteur, 1991.

DUMONT (Gérard), Les 3 âges de la mine : un parcours historique dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais du XVIIIe siècle à nos jours, Edition la Voix du Nord, 2007.

GARIN (Henri), Les Mines, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 1969.

GILLET (Marcel), Les charbonnages du Nord de la France au XIXe siècle, Éditions Mouton, 1973.

Houillères du Bassin du Nord et du Pas de Calais, 250 ans d’histoire, Houillères du bassin du Nord-Pas-de-Calais, Douai, 1977.
KOURCHID (Olivier) et KUHNMUNCH (Annie), Mines et cités minières du Nord et du Pas-de-Calais, Presses universitaires de Lille, 1990.

KUHNMUNCH (Annie) et DHERENT (Catherine), Les conventions collectives de la mine, 1891-1947, Presses universitaires de Lille, 1990.

MICHEL (Joël), La mine dévoreuse d’hommes, Découverte Gallimard, 1993.

RENARD (Jacques), Paroles et mémoires du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, 1914-1980, Editions CRPD, Lille, 1981.