C’est à partir de 1851 que la France commença à compter le nombre de personnes étrangères présentes sur le territoire national. Elles furent dès lors recensées tous les cinq ans. Cette décision est révélatrice de la nouvelle façon dont les autorités envisageaient alors les "immigrés". D’ailleurs, ce terme qui s’imposa progressivement dans les décennies qui suivirent, remplaçant celui d’ "étrangers", traduit une conception moins floue et plus pragmatique.
En tout cas, les recensements quinquennaux dont on dispose à partir du milieu du XIXe siècle sont un instrument précieux pour mesurer l’ampleur du phénomène migratoire en France. On assiste ainsi au cours de ces quelque 170 ans à une croissance continue de l’immigration, à la fois en valeur relative et en valeur absolue. En 1851, les personnes étrangères étaient 381 000 et représentaient environ 1 % de la population. Au 1er janvier 2020, l’INSEE les estimait à 5,1 millions, soit 7,6 % de la population. Pour les deux dates, à ces effectifs s’ajoutent les populations nées à l’étranger et ayant obtenu la nationalité française.
Ces arrivées sont en large partie le résultat d’appels lancés par les autorités pour satisfaire les besoins de l’industrie. Cela explique le nombre très élevé de personnes étrangères employées dans des usines ou des mines (mais aussi des exploitations agricoles). Selon l’historien Gérard Noiriel, la proportion d’ouvriers parmi les travailleuses et travailleurs nés hors de France passe de la moitié en 1901 à plus des trois-quarts en 1975.