Pendant longtemps, la réglementation concernant la présence de travailleurs immigrés en France fut très peu contraignante. L’appellation "étranger" utilisée alors pouvait aussi bien désigner les migrants de l’intérieur, venus d’un autre département, que les personnes ayant franchi une frontière nationale. C’est seulement à partir du dernier tiers du XIXe siècle que l’État mit progressivement en place des outils et une législation permettant de clarifier le statut des immigrés, mais aussi de les identifier et de les contrôler. Deux textes adoptés à quelques mois d’intervalle illustrent ce nouvel état d’esprit : le décret de 1888 qui obligeait désormais les personnes venues de l’étranger à se déclarer auprès de la mairie dans laquelle elles avaient élu domicile ; la loi de 1889 qui précisait les conditions d’accès à la nationalité française et mettait fin au flou administratif qui avait prévalu jusqu’alors.
Ces dispositions furent renforcées aux cours des décennies suivantes, notamment par l’exigence de papiers d’identité de plus en plus élaborés (photographies, renseignements anthropométriques, empreintes digitales). Une nouvelle catégorie faisait ainsi son apparition dans la société française : le travailleur clandestin dont les documents n’étaient pas en règle. Enfin, parallèlement à cet encadrement plus rigoureux, la législation sociale qui jusqu’à la fin du XIXe siècle avait valu pour l’ensemble des travailleurs, quelle que soit leur origine, se mit progressivement à exclure les ouvriers étrangers ou en tout cas leur devint moins favorable.